Pascal Aussignac, fondateur du Club Gascon, chef de renom et ambassadeur de la gastronomie du sud-ouest à Londres participe pour la treizième année consécutive au festival culinaire Taste of London. L’événement se déroulera au cœur de Regent’s Park du mercredi 19 au dimanche 23 juin. Parmi les 40 restaurants présents, celui de Pascal Aussignac sera le seul restaurant français étoilé Michelin. Il proposera à cette occasion un menu unique composé de plats de qualité avec “une touche excentrique” pour séduire un public anglo-saxon, friand de la prise de risque et du non-conventionnel.
Même si “largement copié” depuis, Taste of London a été “le premier festival culinaire créé à Londres”. Il se déroule sur cinq jours, en extérieur et attire plus de 50.000 visiteurs avides de découvertes gustatives et culturelles. A l’inverse de Taste of Paris, l’événement outre-Manche est plus “rock’n’roll” selon Pascal Aussignac. “Il y a énormément de nouveaux restaurants qui représentent la scène éclectique londonienne, il y a de la musique et on est dans un jardin”. En effet, entre restaurants chinois, caribéens, mexicains, péruviens ou indiens, les saveurs sont nombreuses au festival Taste of London.
Celui qui considère Alain Ducasse comme une référence en termes d’excellence s’est formé à l’école hôtelière de Bordeaux avant d’intégrer le restaurant Les Trois Marches à Versailles où le chef Gérard Vié le prendra sous son aile. À 25 ans, il veut ouvrir un restaurant mais les banques françaises lui refusent toutes un prêt. Grâce à son amie Valérie Labeyrie, il va finalement rencontrer un homme qui souhaite se lancer dans la restauration comme lui. Une étude de marché leur fait choisir Londres comme point d’ancrage.
Pascal Aussignac et son associé Vincent Labeyrie ouvrent alors leur premier restaurant, Club Gascon, en 1998 dans le quartier de Farringdon. A l’époque, le quartier était quasiment désert, “il n’y avait pas de trottoir, pas de restaurants, pas de lumière, le marché (Smithfield Market, ndlr) n’était pas encore rénové”. Les choses décollent vraiment après qu’une journaliste de l’Evening Standard a publié une critique élogieuse du lieu. “De 30 couverts, on est passés à 600 appels par jour”, se souvient Pascal Aussignac. Trois ans plus tard, le restaurant obtient une étoile Michelin.
“Club Gascon est le plus vieux restaurant participant à Taste”, raconte fièrement le chef toulousain. En effet, le festival permet au restaurant, installé depuis 20 ans maintenant, de faire découvrir ses spécialités à une clientèle différente et de faire de la publicité hors les murs. C’est aussi l’occasion de “créer des plats différents chaque année” et de tester de nouvelles recettes qu’il ne servirait pas au restaurant. L’événement plaît aussi au chef puisqu’il lui donne la possibilité d’être au contact des clients. “Il me permet de sortir de ma coquille. Je ne suis pas en cuisine, je sers le client et je peux communiquer avec eux, ce que je fais rarement au restaurant.”
On comprend que le chef n’ait pas le temps de discuter avec chaque client au quotidien puisqu’il doit gérer 6 établissements à la fois. Outre le Club Gascon, Pascal Aussignac et son associé ont, depuis 1998, construit un vrai empire Gascon à Londres. Ils ont ouvert plusieurs restaurants qui possèdent chacun leur spécialité et leur marque de fabrique. Le Bar sert des “frapas” (tapas françaises, ndlr), des cocktails et du vin, le Comptoir Gascon sert des produits du terroir comme si l’on y était, Le Cigalon sublime la cuisine provençale, le Baranis propose de prendre un apéritif tout en jouant à la pétanque. Encore plus surprenant, les deux Français ont lancé un pop-up de street food le Duck’n’Roll et ré-ouvre leur stand au sein du centre commercial de Westfield, anciennement Chip and Fish, bientôt renommé Catch Me, qui s’inspire de la cuisine anglaise. Pascal Aussignac voit la restauration comme un “tout” et cultive fièrement cet éclectisme culinaire.
Si chaque restaurant est différent, ils mettent tous les produits du sud-ouest à l’honneur. Dans ce sud-ouest qui va “de Toulouse à Biarritz en passant par Bordeaux”, on retrouve du foie gras, du canard, des asperges blanches et du piment d’Espelette. Ambassadeur du cassoulet au Royaume-Uni, Pascal Aussignac se doit de défendre les valeurs culinaires et culturelles de sa région natale.
Mais le Toulousain ne se cantonne pas à la tradition et apporte de nombreuses touches modernes et inattendues à son menu. La plus marquante : un plat à base de tulipes. Il découvre que ces fleurs sont comestibles lors d’une insomnie en 2007 qui l’amène à regarder une émission de jardinage. “Je vois ce mec couper ses tulipes pour les manger et là je me suis dit : ‘Je rêve, j’ai mal entendu’ […]’, mais effectivement ça marche très bien, ça a le goût d’asperge”. Pascal Aussignac les prépare à la vapeur avec une “farce” qui varie.
L’une des grandes innovations du Club Gascon a aussi été de déconstruire le traditionnel entrée-plat-dessert et de proposer à la place des chapitres composés de plats version “petites portions” pour que chaque client puissent faire sa propre organisation. Le chef rappelle que le restaurant “a été considéré comme un ‘game changer’ dans la restauration”. “On a construit le Club sur l’idée de réduire la quantité et le volume des plats” afin de s’adapter à une clientèle de bureau qui continue d’être active même pendant la digestion. Cela permet au menu d’être “plus fun, plus flexible” et aux clients “de manger moins et plus varié”.
Mais depuis ses débuts, les choses ont beaucoup changé. Pascal Aussignac reste prudent et rappelle que le domaine de la restauration connaît “une période incertaine et précaire”. Depuis l’annonce du Brexit en 2016, “les loyers sont de plus en plus chers, les taux d’importation aussi, l’inflation des coûts matière a augmenté, le staff se raréfie. L’équation fait effet ciseaux.” Alors, lorsqu’on lui demande s’il compte obtenir une deuxième étoile, le chef soupire et se dit qu’il faut d’abord “survivre” à cette crise “avant d’aller plus loin”.