La première boutique de la Maison Pierre Hermé Paris a ouvert ses portes il y a tout juste dix ans à Londres. Une décennie marquée de succès pour celui qui a été élu meilleur pâtissier du monde en 2016. Le Français, qui devait officier à Harrods cet été pour un afternoon tea spéciale France mais dont l’événement a été annulé à la dernière minute, revient sur son parcours et ses projets.
“Lorsque la Maison s’est installée en 2009, il y avait très peu de pâtissiers implantés à Londres. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus nombreux, ce qui me laisse penser que les Anglais apprécient davantage notre savoir-faire !”, analyse Pierre Hermé. Le célèbre pâtissier français a en effet ouvert sa première boutique dans la capitale anglaise, dans le quartier de Belgravia, il y a tout juste 10 ans. Pour lui, c’était une évidence de traverser la Manche pour faire partager sa passion et ses talents. “Londres en général est une des capitale incontournable de la mode, de l’art, de la haute gastronomie et du luxe. Il était donc naturel pour la Maison Pierre Hermé Paris de s’y implanter”, résume-t-il.
Le succès a été rapidement au rendez-vous et l’ouverture d’une deuxième boutique, à Covent Garden, a suivi. Mais cette année, le pâtissier a décidé d’apporter un peu de nouveauté aux Londoniens. “Depuis peu, une partie de nos pâtisseries est désormais disponible au sein de nos boutiques”, détaille Pierre Hermé, “nous espérons pouvoir étendre davantage cette offre”. Quelques projets sont dans les cartons, mais on n’en saura pas plus… pour le moment. Cependant, si le chef pâtissier a des idées plein la tête, ces dernières ne sont dictées par aucune tendance, jure-t-il. “Je laisse mon inspiration me guider et j’écoute mon instinct”, lance-t-il.
Cet instinct, il l’a écouté très tôt puisque dès l’âge de 9 ans, il savait déjà qu’il voulait être pâtissier. “Je considère la pâtisserie comme un art en ce sens qu’elle est un véritable mode d’expression de la sensibilité, au même titre que la musique, la peinture, la sculpture. Les possibilités sont illimitées tant en termes de saveurs que de textures !”, raconte Pierre Hermé. Ce qui l’intéresse avant tout, “c’est de créer des goûts”.
Les libertés qu’il a prises au fil de sa carrière sont multiples, comme il le confie. “J’ai commencé par éliminer les décorations excessives qui encombraient les pâtisseries, à utiliser le sucre comme le sel en assaisonnement pour en relever les nuances, à explorer toutes les saveurs, apprivoiser de nouveaux ingrédients et revisiter mes propres recettes”, parce que, lance Pierre Hermé, “la créativité c’est s’appuyer sur les traditions, s’affranchir des limites, creuser dans son répertoire mental, laisser place à ses envies pour créer avec le plaisir pour seul guide. Que ce soit pour des macarons, des pâtisseries, des chocolats ou des glaces – il y a tant de territoires de goût à explorer, tant d’associations de saveurs à créer et de textures à expérimenter encore !”.
Son inspiration il la puise dans les ingrédients qu’il découvre, lors de discussions, de lectures, d’images de voyage… “Elle peut avoir des origines diverses. C’est très intuitif. Après, c’est l’imagination, l’audace, la capacité à créer des scénarios de goûts, des architectures de saveurs. Il n’y a aucune règle ni aucune limite car le plus important pour moi reste le goût. Je dis toujours que je ne cherche pas l’inspiration, je la trouve”, relève le Français. Cette audace plaît, et c’est sans conteste ce qui lui a valu d’être nommé meilleur pâtissier au monde en 2016. Mais Pierre Hermé jure qu’il ne s’y attendait pas. “C’était une surprise ! Cette récompense était totalement imprévue ! Elle représente un encouragement vis-à-vis de mon travail, mais aussi du travail de l’ensemble des équipes de la Maison Pierre Hermé Paris. C’est un peu une reconnaissance collective de notre savoir-faire”.
Un savoir-faire qu’il n’hésite pas à transmettre, car pour lui, “dans notre métier, la transmission est un devoir”. Ce sujet lui tient à coeur, en témoigne son engagement au sein de l’association Relais Desserts, qui rassemble depuis plus de 30 ans l’élite mondiale de la pâtisserie française. “Je travaille aussi toujours avec certaines valeurs à l’esprit comme l’attention portée aux détails, la rigueur, le choix des ingrédients ainsi que la connaissance profonde des produits, et les transmets aux personnes qui travaillent avec moi. C’est quelque chose de très significatif dans ma vie”, admet-il.
Jamais, dit-il, il ne s’est lassé de la pâtisserie. Ce qu’il aime dans son métier, c’est de le voir évoluer au fil des années et ce, de multiples façons, comme avec l’utilisation du sucre. “Le métier de pâtissier, c’est de faire plaisir, de procurer des émotions à ceux qui dégustent nos pâtisseries. Certes, il y a un pourcentage de sucre incontournable pour faire un macaron, mais on essaie aujourd’hui d’en faire un usage très raisonné”, explique Pierre Hermé avant d’ajouter, “il n’y a rien de pire que de manger un dessert où il ne se passe rien. Du sucre pour rien. Et au contraire, dans certains restaurants, on vous explique parfois qu’il n’y a pas de sucre ajouté dans le dessert. Mais c’est très souvent une erreur. Si le trop de sucre est une bêtise, son absence peut tuer un dessert. Il ne faut pas oublier que le sucre est également un exhausteur de goût. Comme le sel dont certains abusent. Dans la pâtisserie, le sel m’intéresse mais comme une ponctuation gustative. Dans certains de mes macarons, j’en utilise, non pas pour le sentir mais pour qu’il magnifie le goût d’ensemble du produit”.
Le pâtissier reconnaît aujourd’hui qu’il utilise 50 % en moins de sucre et beaucoup moins de gras. “Je porte également une attention particulière à épurer les décors, j’essaie de rendre mes créations désirables sans artifice ni effet de décoration superflus. Quant au matériel, bien sûr, les nouvelles technologies ne font que repousser les limites de la créativité”. S’il avait un message à passer à la jeune génération, Pierre Hermé leur dirait que “pour ce métier, la passion est de première importance. Il faut avoir un esprit curieux, expérimenter continuellement, ne pas avoir peur de travailler dur et ne jamais se lasser d’apprendre”.