“Dieu et mon droit”, c’est ce qu’on peut lire sur les armoiries royales du Royaume-Uni. On les retrouve fréquemment à Londres sur le fronton des vieux bâtiments, ou même sur le passeport des Britanniques. Si on regarde bien sous le lion et la licorne, c’est cette devise dans la langue de Molière qui est inscrite. Mais pourquoi donc ?
Pour bien comprendre, il faut retourner plusieurs siècles en arrière. Entre le XIème et le XVème, l’élite anglaise parle alors le français, ou plus exactement le normand, comme l’explique l’historien Kevin Guillot. En effet, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, avait remporté la couronne anglaise en 1066 après une victoire lors de la célèbre bataille d’Hastings. L’élite anglo-saxonne a finalement disparu progressivement au sein de l’aristocratie au profit de la langue normande.
Quelques siècles plus tard, les rois normands s’enchaînent et arrive le règne d’Henri V. Le souverain, plutôt conservateur, veut garder le normand comme langue à la cour. Il choisit alors la devise “Dieu et mon droit” pour le royaume d’Angleterre. Cette phrase viendrait de Richard Cœur de Lion, monarque du pays entre 1189 et 1199. Lors de la bataille de Gisord en 1198 contre Philippe Auguste, roi de France, il aurait dit “Dieu et mon droit” pour indiqué qu’il devait sa couronne à Dieu et uniquement à lui.
Depuis, la phrase a traversé le temps en devenant la devise de la monarchie britannique. Elle continue de faire parler d’elle, puisqu’en 2016 une pétition avait été lancée pour enlever les mots français du passeport britannique, sans succès.
Quand on regarde encore plus attentivement les armoiries britanniques, on peut lire la phrase “Honi soit qui mal y pense” qui s’entremêle entre le lion et la licorne. C’est la devise de l’ordre de la jarretière, le plus élevé des ordres de chevalerie qui soit en Grande-Bretagne. Il date du XIVème siècle et c’est Edouard III, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, qui l’a imposée et l’anecdote de sa création (qui n’a jamais été vraiment vérifiée) est plutôt croustillante.
Edouard III était réputé pour être un homme gourmand : en plus de la couronne anglaise, il rêve de la française. Mais impossible puisqu’à l’époque le pouvoir royal du côté de l’Hexagone ne se transmet que par le père. Sauf que c’est la mère du souverain qui est française. Le monarque, en colère, déclenche alors la fameuse Guerre de Cent ans contre Philippe IV, roi de France.
Lors des combats, Edouard III met la main sur Calais et décide de s’y installer quelques temps. Il organise là un bal en 1348 et invite du beau monde dont sa maîtresse, la comtesse de Salisbury. Cette dernière fait tomber sa jarretière par mégarde au milieu de la piste de danse. Les rires éclatent dans la salle. Moment pour le moins gênant. Heureusement, elle est sauvée par son amant qui ramasse le tissu et le met sur son propre genoux en disant : “Honi soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d’en porter une semblable car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement.” Une jolie pirouette poétique, qui aura permis à la jeune femme de préserver sa dignité et Edouard III de décrocher là un bien joli nom pour baptiser son ordre de chevalerie : l’ordre de la jarretière.