De nombreux ressortissants européens
ont décidé de quitter le Royaume-Uni à cause du Brexit et de la covid. Les associations francophones installées en Grande-Bretagne en sont les victimes collatérales.
Un divorce puis un virus et c’est tout un écosystème qui tire la sonnette d’alarme. Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne en janvier 2021 et les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont fragilisé le tissu associatif francophone du Royaume-Uni. Selon Jean-François Le Gal, président de la Fédération des associations françaises de la Grande-Bretagne (FAFGB), la première difficulté posée par ces deux « big bang » réside dans le recrutement de personnel.
« Certaines associations ne sont plus en mesure aujourd’hui de recruter aussi facilement qu’avant de la main-d’œuvre française, qu’il s’agisse de stagiaires ou de contrats longs », affirme-t-il.
L’essoufflement des arrivées des ressortissants de l’Union européenne, en comparaison avec le nombre de départs enregistré, explique une baisse importante de l’activité pour de nombreuses associations d’accueil et d’accompagnement. Selon le rapport du bureau national de statistique britannique (
Office for National Statistics) de novembre 2021, le solde migratoire des citoyens
européens était négatif en 2020, avec une différence de plus de 90.000 individus entre les départs et les arrivées.
Le Brexit et la pandémie ont précipité le départ de nombreux bénévoles. Le
Dispensaire français, organisme de santé accueillant les francophones à Londres depuis 1718, estime avoir perdu 15 % de son personnel. «
Avec le Brexit, nous avons eu peur de perdre tous nos bénévoles », témoigne Magali Chabrelie, directrice du Dispensaire. Les exigences nouvelles relatives à l’emploi, telles que la licence de parrainage (
sponsorship), lestent les associations d’une charge administrative et financière supplémentaire. Bien souvent, les associations ne sont pas habilitées à délivrer des licences de parrainage, et ne disposent des fonds nécessaires pour couvrir les £25,600 annuels à verser aux travailleurs sponsorisés.
Joëlle Simpson, présidente du
Parapluie FLAM, principal réseau de « Petites Écoles » au Royaume-Uni, insiste sur le manque grandissant d’enseignants.
« Nous devons composer avec la demande locale, et refuser les quelques candidatures françaises que nous recevons car nous ne pouvons pas délivrer de visa », déplore-t-elle.
Solutions digitales et solidaires
Aux quatre coins du Royaume-Uni, les représentants des associations accordent une importance capitale à la nécessité d’assurer leurs services, en particulier pendant les confinements. Face à l’adversité conjoncturelle, les associations ont fait preuve d’inventivité et ont franchi le pas du numérique en s’équipant d’ordinateurs, de tablettes et d’un abonnement Zoom.
C’est notamment le cas du Centre Charles Péguy, qui accompagne les arrivants francophones dans leurs démarches administratives et leur recherche d’emploi depuis 1954. Si l’association a pâti des conséquences du Brexit et de la pandémie avec une baisse significative des inscrits, il n’était pas question pour Fabien Maero, son responsable, d’abandonner les membres.
Depuis 2020, il s’entretient avec les demandeurs d’emploi par Zoom, tout en proposant des rendez-vous en personne grâce à la générosité du Centre par l’Église protestante française de Londres. L’organisme a mis ses locaux à la disposition du centre une fois par semaine, permettant ainsi d’assurer la continuité du lien entre l’association et les membres.
Ces réseaux d’entraide ainsi que le passage au numérique ont permis aux associations de proposer leurs services à un plus grand nombre de francophones, et notamment à ceux vivant loin de Londres. Le Dispensaire français explique avoir mis en place des consultations en ligne pendant la pandémie, ce qui a permis de soigner des patients de l’Écosse à Londres en passant
par l’Irlande du Nord. Reconnu comme Organisme local d’entraide et de solidarité (OLES) par la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, le Dispensaire français a pu bénéficier de fonds d’urgence en complément de l’allocation annuelle du
Soutien au tissu associatif des Français de l’étranger (STAFE). Ainsi, les coûts entraînés par le passage au numérique ont été en partie couverts par les subventions gouvernementales, et pour une autre partie par des donations.
Si des dispositifs spéciaux ont été mobilisés pour répondre à l’urgence de la crise sanitaire, il n’existe pas de subventions liées aux problématiques posées par le Brexit. Pour Jean-François Le Gal,
« les associations francophones ne sont pas suffisamment mises en avant alors qu’elles permettent de maintenir le lien dans cette période compliquée. » Si les associations francophones
du Royaume-Uni s’accordent pour saluer le travail de l’équipe consulaire et celui d’Alexandre Holroyd, député des Français établi en Europe du Nord, la création d’une aide post-Brexit reste un sujet à aborder dans les couloirs du Quai d’Orsay.