Cela ne vous a probablement pas échappé mais les joueurs des équipes nationale de rugby qui s’affrontent aux Six Nations portent, sur leurs maillots, des emblèmes. Concernant les équipes britanniques et irlandaise, il s’agit, pour l’Écosse, du symbole assez connu du chardon. Pour l’Angleterre, c’est la rose, des plumes pour le Pays de Galles et le trèfle pour l’Irlande … Mais pourquoi et à quoi correspondent ces logos ?
Le chardon (thistle) est l’emblème national de l’Écosse et on le retrouve également sur certaines pièces (le roi Jacques III en fit frapper sur sa monnaie dès le 15ème siècle), comme décoration sur des vêtements, bijoux, des bâtiments… A Édimbourg, il y a aussi, à la cathédrale Saint-Gilles, la sublime Thistle Chapel, siège de l’Ordre du Chardon, prestigieux ordre de chevalerie fondé au 17ème siècle.
Mais pourquoi un tel engouement ? D’après la légende, le joli – mais épineux – végétal aurait, au 13ème siècle, sauvé des Écossais d’une attaque de Vikings. Comme le raconte Fergus Halliday de la Scottish Tourist Guides Association : « Tandis que ceux-ci avançaient dans l’ombre pour prendre en embuscade les Écossais endormis, un pauvre Viking marcha sur un chardon. Poussant un cri de douleur, il réveilla les Écossais, lesquels eurent tôt fait de renvoyer leurs ennemis sur leurs drakkars. » Et d’ajouter, malicieux : « Le chardon est une parfaite représentation des Écossais : colorés et attractifs mais si vous cherchez la bagarre, vous risquez de vous y piquer ! »
En Angleterre, la rose fait écho à l’Histoire et la monarchie. « Durant la Guerre des Deux-Roses (au 15ème siècle, deux familles se battaient pour le trône), la maison de Lancastre avec, à sa tête, Henri Tudor, avait pour symbole une rose rouge et celle de York avait une rose blanche », raconte Paula Kitching de l’Historical Association, qui œuvre pour la promotion de l’histoire au Royaume-Uni. C’est Henri Tudor (futur Henri VII) qui remporta la bataille et épousa Élisabeth de York… laquelle union fut elle aussi symbolisée par une rose – rouge et blanche – désormais emblème de la dynastie, régnante, des Tudor. Toutefois, il arrivait que les descendants de Lancastre continuent à utiliser la rose rouge en hommage à leurs ancêtres. « La reine Elizabeth I aimait particulièrement le faire. »
C’est pourquoi la rose (rouge) va se retrouver sur les armoiries de la Rugby School (prestigieuse école fondée au 16ème siècle, à Rugby, près de Birmingham… où aurait été créé le rugby trois siècles plus tard). « Lawrence Sheriff, le fondateur de l’établissement, fournissait des épices à Elizabeth I », indique Phil McGowan du World Rugby Museum, basé au célèbre stade (désormais stade Allianz) de rugby à Twickenham.
Rien d’étonnant, dès lors, à ce qu’une rose elizabethaine apparaisse sur les armoiries de l’organisation… Et lorsque la charge est venue, peu après sa formation en 1871, à la Rugby Football Union (la fédération de rugby) de constituer une équipe anglaise pour jouer contre l’Écosse, « ils ont probablement voulu d’un symbole qui représenterait l’Angleterre et ferait un lien avec la Rugby School »… ce qu’a donc permis la rose rouge.
Pour le rugby, c’est toute l’île d’Irlande – Irlande du Nord et République d’Irlande – qui joue ensemble. Et le symbole de l’IRFU (Irish Rugby Football Union) est, sans surprise, le trèfle. Plus exactement le shamrock, le trèfle à trois feuilles…
Important parce qu’à mettre en lien avec la Trinité – « chaque feuille représente le Père, le Fils et le Saint Esprit », explique Liam Doherty de la Irish Folklife Division du Musée national d’Irlande (Dublin) – et que la légende veut que Saint Patrick – le saint patron de l’île – s’en serait servi pour évangéliser les Irlandais… « Avec le temps, il est devenu un symbole de l’identité irlandaise et est largement associé à la Saint- Patrick. »
Outre le rugby, on le retrouve aussi dans le foot et le basket ou encore sur les avions de la compagnie Aer Lingus. Avec la harpe, il constitue un « State emblem » de la République d’Irlande.
De leur côté, les rugbymen gallois arborent… trois plumes. D’autruche, précisément. Lesquelles ont historiquement été associées aux Princes de Galles (titre donné, depuis la fin de la conquête du Pays de Galles par Édouard I, début 14ème siècle, à l’héritier du trône d’Angleterre puis de Grande-Bretagne).
La toute première association est souvent faite avec Édouard Plantagenêt – aussi appelé le Prince Noir (à cause la couleur de son armure) – fils d’Édouard III et Prince de Galles et qui aurait potentiellement hérité ses plumes de la bataille de Crécy (en 1346, contre les Français…). « La légende veut que celles-ci aient été prises (il s’agirait potentiellement d’un casque, ndlr) au roi Jean I de Bohême », indique Keith Thomas, guide au Pays de Galles. Les plumes auraient pu aussi être plus simplement transmises au Prince par sa mère Philippa de Hainaut.
Là encore, le symbole ne se cantonne pas qu’au ballon oval. « Il a aussi été utilisé par de nombreux régiments gallois (le Royal Welsh, par exemple, l’arbore toujours, ndlr). » Au rugby, il lui arrive de faire, de temps à autre, l’objet de discussions certains le jugeant parfois un peu trop “anglais” (et suggérant l’utilisation d’autres symboles plus “gallois” comme le dragon, les jonquilles… ou le poireau).