Avec des chiffres dépassant les 15.000 nouveaux cas quotidiens, le Royaume-Uni prend de plus en plus de mesures pour contrer la seconde vague de coronavirus. Alors que Londres est entrée en “classe 2″ (ou “tier 2″, où le niveau d’alerte est dit “élevé “), samedi 17 octobre, d’autres restrictions parfois plus sévères ont été imposées ailleurs dans le pays. Petit tour d’horizon des différentes mesures à travers le témoignage de Français expatriés.
L’Irlande du Nord compte près de 1.000 nouveaux cas par jour, actuellement, pour environ 1,9 million d’habitants. Le gouvernement a donc décidé d’adopter de nouvelles mesures, relativement strictes. Pubs, restaurants, cafés doivent fermer (à part en “take away”) pour une durée de quatre semaines. De même que les coiffeurs, salons de beauté, tatoueurs, masseurs… qui nécessitent un contact physique rapproché avec leur clientèle.
Une nouvelle qui n’a bien sûr pas fait plaisir à Aiza Ismaila, coach en gestion de la douleur et “sports massage therapist” à Belfast, concernée par cette interdiction. La Française venait de rentrer de l’Hexagone. Craignant une nouvelle période d’instabilité, elle décide, pour l’heure, de partir travailler au Portugal. “Je préfère prendre les devants, explique-t-elle. Avec la quarantaine à mon retour, j’ai été deux semaines sans travailler. Là, avec les restrictions, cela m’en fera six. Ce n’est pas possible.”
De son côté, Guillaume Rabillat a vu, non sans émotion, un certain nombre de clients lui dire au revoir – ainsi qu’à son équipe – alors qu’il fermait son restaurant à Belfast jeudi 15 octobre au soir. Si cette nouvelle décision de fermeture temporaire n’est pas évidente, le patron du 44 Hill Street l’accueille, malgré tout, avec un certain soulagement. “Les gens avaient peur de sortir. Et mon business commençait à méchamment couler depuis quinze jours… Il vaut peut-être mieux fermer pour rouvrir dans de meilleures conditions que de rester ouvert et de perdre de l’argent.” Des aides doivent, par ailleurs, normalement accompagner ces fermetures.
Les vacances scolaires ont aussi été allongées d’une semaine, débutant ainsi lundi 19 octobre. “Elles auraient dû, pour la plupart des écoles, être d’une semaine au lieu de deux, explique Céline Bradley, qui travaille dans un lycée. La semaine du 19 au 23 aurait dû être enseignée.” Une perspective à laquelle ont bien sûr dû s’adapter les parents qui ne sont pas en télétravail. “Heureusement, notre fille est jeune et allait déjà en crèche après l’école. J’ai réussi à avoir une place pour elle toute la journée. Mais cela engendre forcément des coûts qui n’étaient pas prévus” , commente Jessica (*).
La tension monte également d’un cran au Pays de Galles où un mini confinement généralisé vient d’être décidé. Celui-ci débuterait vendredi 23 octobre et durerait, pour l’instant, jusqu’au 9 novembre prochain. Les gens seront invités à rester chez eux sauf, bien sûr, en cas de déplacements médicaux, pour faire de l’exercice ou encore pour raisons professionnelles, s’il n’est pas possible aux personnes de travailler depuis chez elles. En secondaire, à l’exception des “years” 7 et 8 (classes de 6ème et 5ème), les élèves devront rester une semaine de plus chez eux à la fin des vacances. Restaurants, bars, coiffeurs, tatoueurs ainsi que les magasins dits “non essentiels” (vêtements) devront fermer. Il sera bien sûr interdit de rencontrer d’autres personnes en dehors de son foyer.
Une situation qui ne surprend pas vraiment Manon Osmont, qui vit à Cardiff. “Nous nous y attendions, mon compagnon et moi, nous avions entendu quelques rumeurs. C’est malheureux mais je dirais que ça ne change pas grand chose à notre situation actuelle, vu que nous ne sortions pas beaucoup déjà. Tout ce qu’on espère c’est que si nous faisons ce sacrifice maintenant cela nous permettra d’envisager Noël plus sereinement.”
Le Pays de Galles fait déjà l’objet, depuis fin septembre, de restrictions particulières sur une vingtaine de zones. Dont Cardiff et le Val de Glamorgan, d’où il est actuellement interdit “d’entrer ou sortir” sans une “excuse raisonnable”. Ce qui limite d’emblée les séjours en France pour les expatriés… Sans compter le fait qu’il est déjà en grosse partie interdit de côtoyer des gens extérieurs à son foyer. Un contexte qui n’était pas évident pour Mélanie Cour, dont la famille est récemment arrivée au Pays de Galles, au Val de Glamorgan. “Autant dire que pour s’intégrer, ce n’est pas facile toutes ces règles…”
Liverpool a été la première grosse ville anglaise a avoir été rangée dans la catégorie dite de “classe 3″ (ou “tier 3”). Depuis le 14 octobre, l’Angleterre se divise en trois niveaux et les localités classées en “tier 3″ présentent un seuil d’alerte à la Covid dit “très élevé”. Celles-ci sont donc soumises à des restrictions précises.
En-dehors du “take away”, toujours permis, bars et pubs de Liverpool ont ainsi dû fermer. A moins de servir des repas dits “substantiels”, comme le font les restaurants et certains pubs. Une subtilité qui n’est guère du goût d’Agathe Perreau, Française gérant avec son compagnon The Little Taproom, petit pub situé sur Aighburth road. Ne servant pas de repas, les jeunes gens ont dû se remettre à la vente à emporter. “Ce n’est pas logique, les restaurants servent aussi à boire, fait remarquer la patronne. Et puis, nous, on avait la réputation d’être très vigilants. On avait même investi dans des panneaux plastifiés pour permettre aux gens qui ne se connaissaient pas de partager une table”. Une restriction qui risque, bien évidemment, d’impacter leur chiffre d’affaires. “La situation pour le ‘take away’ est différente du premier lockdown. Il ne fait plus beau et les gens ne sont plus en ‘furlough’. Quant aux aides de l’État, elles seront probablement insuffisantes.”
Autre particularité du “tier 3”, les personnes vivant dans les localités à ce niveau d’alerte ne sont pas censées voir des personnes d’autres foyers. Y compris dans la plupart des restaurants, pubs restés ouverts, espaces extérieurs inclus. Une perspective qui n’est guère réjouissante. “Personnellement, j’ai besoin de m’échapper de ma colocation et du travail”, indique Siri Laumier, habitante de Liverpool. Côté ambiance, si la jeune femme a trouvé son quartier relativement calme, vendredi 16 octobre dans l’après-midi, Florence (*), elle, trouve les rues encore globalement très animées. “Seuls les docks sont plus vides.”
La “central belt”, c’est cette zone urbaine située au sud de l’Ecosse qui regroupe notamment Glasgow et la capitale, Edimbourg. Depuis vendredi 9 octobre au soir (et jusqu’au dimanche 25 octobre, a priori), ce secteur géographique est soumis à des restrictions particulières. Les établissements normalement autorisés à servir de l’alcool, comme les bars, les pubs et les restaurants, ne pourront désormais que travailler en “take away”.
Roxane Girin parle d’un calme assez marqué dans le centre-ville de Glasgow, vendredi 9 au soir, lorsque les bars ont fermé à 18 heures. Mais elle n’a ensuite globalement pas noté de différence d’affluence dans les rues commerçantes de Buchanan et d’Argyle, d’un week-end à l’autre. De son côté, Julie (*), qui vit à Edimbourg, évoque une ambiance “moins festive” en soirée mais indique, qu’en journée, “la ville reste vivante et agréable”.
Du côté des restaurateurs, il a fallu reprendre de vieilles habitudes. Depuis mardi 13 octobre, L’Escargot Bleu, à Edimbourg, ne propose à nouveau plus que des plats à emporter. Un système que le chef et propriétaire Frédéric Berkmiller avait été contraint, comme tant d’autres, d’instaurer pendant le lockdown et qui a continué à être employé à la reprise du service en salle, fin août. Avec un certain succès. “Ce qui m’a sauvé, c’est le fait d’avoir déjà vingt ans de restauration à Edimbourg et d’avoir un fichier clients conséquent”, explique le Français.
Alors l’annonce de cette nouvelle restriction le prend, certes, moins au dépourvu que la première fois. Mais tout de même. “Là, on est en mode survie.” Le chef a dû par exemple se séparer, à la faveur de la crise, de deux autres établissements – dont un restaurant renommé, L’Escargot Blanc – qu’il détenait dans la capitale écossaise. Pragmatique, Frédéric Berkmiller cherche à s’adapter au mieux. “Le virus ne va pas disparaître du jour au lendemain. On risque de faire encore du plat à emporter pendant un moment.”
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(*) la personne interviewée n’a pas souhaité préciser son nom de famille