Ancien salarié de la BNP à Londres, Télémaque Argyriou a tout plaqué pour se lancer dans une nouvelle aventure : la restauration. Si le Français souhaitait d’abord ouvrir un restaurant, il a fini par transformer son idée en food-truck. Trois ans après ses débuts, c’est le succès : ses deux camions Kalimera se promènent partout dans la capitale et proposent de la cuisine grecque assaisonnée d’huile d’olive venue directement des champs d’oliviers de la famille du chef d’entreprise.
Parce qu’il en avait assez de l’ambiance du monde de la finance, Télémaque Argyriou a décidé de quitter son poste chez la BNP de Londres (après une année passée à vivre entre la capitale anglaise et New York pour le compte de la banque française), qu’il occupait depuis trois ans. “La crise financière, les problèmes boursiers, la dette, tout ça avait abouti à créer une ambiance compliquée”, confie le Français.
L’occasion de changer sa vie du tout au tout. “Je me suis demandé si j’avais envie de faire ça encore pendant 30 ans. Le monde de la finance est très compartimenté, ce n’est pas possible d’évoluer hors de son poste ou de son secteur”. Trop frustrant pour Télémaque Argyriou, surtout dans une ville aussi “où les choses vont beaucoup plus vite qu’ailleurs et on ne sent pas à l’étroit. A Londres, tout est plus possible qu’ailleurs”.
Mais que faire alors ? “J’avais envie de conserver une certaine liberté dans ce que j’allais faire et la seule solution était de me lancer dans l’entreprenariat”. Pourtant, jure-t-il, et malgré un diplôme dans le management, Télémaque Argyriou ne s’était jamais imaginé chef d’entreprise. Soit : être patron, d’accord, mais de quoi ? “J’ai toujours aimé la nutrition, la cuisine d’une manière générale”, explique-t-il, avant d’ajouter le sourire aux lèvres, “mais attention, on est loin des clichés traditionnels : ce n’est pas à cause des bons plats de ma mère, car elle cuisinait très peu”.
Non, c’est plutôt pendant son tour de France des régions dans le cadre de sa profession que Télémaque Argyriou a surtout éduqué son palais. “J’ai vécu à Strasbourg, à Annecy, à Lyon, Montluçon, Paris… J’ai toujours été intéressé par la cuisine locale, mais surtout la qualité des produits, l’exécution des plats et la présentation”. Alors quel meilleur terrain que Londres, “capitale de la gastronomie mondiale”, pour se lancer dans la restauration ?
Au départ, le Français pense ouvrir un restaurant, et pas n’importe où : dans la City, là même où il travaillait encore quelques mois avant de démissionner. “Je me suis dit pourquoi ne pas proposer des produits sains et qui ont bon goût aux City boys, qui mangent toujours sur le pouce et pas toujours des choses équilibrées”.
Le concept se dessine petit à petit : Télémaque Argyriou veut proposer de la cuisine grecque, mais en modernisant les plats traditionnels comme la moussaka. Et puis, c’est sûr, il utilisera l’huile d’olive produite par les champs d’oliviers que possède sa famille en Grèce. Pendant un an, il travaille sur le projet. Il fait appel à une designer grecque, Aphrodite Krassa, spécialisée dans le monde de la restauration. Elle lui trouve son logo et son slogan “extra virgin greek food”. Le nom a été choisi après concertation avec des amis : ce sera Kalimera, qui signifie “bonjour” en grec.
Ensuite il a fallu trouver un chef. “Je voulais un Grec, j’ai finalement pris un Anglais, Steven Parkins-Knight, il avait travaillé pour Dishoom ou encore Mark & Spencer. Il a une belle vision de la cuisine”. Ensemble, ils vont même en Grèce pour tester des recettes, s’en inspirer et ainsi développer la future carte.
Le projet semble bien parti. Mais quand il a fallu chercher des investisseurs, tous se montrent réticents. Télémaque Argyriou finit par parler autour de lui de ses difficultés, notamment au chef français Pascal Aussignac qui lui conseille de se lancer dans le food-truck. C’est ce qu’il fera en novembre 2015 au marché d’Hoxton Street. “Je me souviens, on était le 21 novembre et il neigeait, la pire chose qui pouvait arriver”. Avec son chef, ils parviennent quand même à avoir une vingtaine de clients. La semaine suivante, ils seront à Broadgate Circle en plein milieu de la City et là c’est le succès. En une heure, tout est vendu.
Mais pas question de se réjouir trop tôt. “Un concept, ça se prouve sur le long terme”, répond l’ancien expert en finance, avant d’ajouter, “en un an, il y a eu des hauts comme des bas et surtout je n’avais pas pris un seul jour de congé”. Il se rapproche ensuite de la fondatrice de Kerb, qui gère de grands marchés de street food à Londres. Ils commencent à collaborer ensemble.
En octobre 2016, il ouvre un stand sur le marché de Camden puis l’année suivante en novembre 2017, un deuxième food-truck se balade dans le tout Londres. “On est aujourd’hui présent dans différents marchés et on a aussi fait beaucoup de festivals cette année”, comme All Points East, British Summer Time, Latitude, Goodwood Revival… Ainsi que des événements privés avec comme clients Asos, Ipsos, Standard & Poor, Prêt à Manger… Ou encore des concerts : Guns’N’Roses, Eric Clapton, Gorillaz, Kings of Leon, The Cure, Björk… “En fait, je veux sélectionner les endroits car je veux valoriser la marque”.
Pour préparer tous les ingrédients, Kalimera a une cuisine dans l’est de Londres, à Bethnal Green. Aujourd’hui, l’entreprise de Télémaque Argyriou compte 10 salariés permanents plus quelques extras si besoin. “Je n’aurais pas du tout imaginé en être là où j’en suis presque trois ans après m’être lancé. Je suis heureux, mais j’avoue que tout n’a pas été et n’est pas un fleuve tranquille”.
Le Français redoute surtout la période hivernale, moins prospère. Mais il profitera de cette accalmie pour travailler sur son projet initial : l’ouverture de son restaurant. “Je suis actuellement en train de regarder pour trouver le site idéal”, qui sera pour lui obligatoirement… au cœur de la City. L’ouverture pourrait être programmée pour 2019. Et Télémaque Argyriou imagine déjà un petit frère à son établissement de l’autre côté de la Manche, à Paris.