L’une était diplomate à l’ambassade de France du Liban. L’autre à la tête d’une agence artistique à Vancouver. Laura Cleary et Anne Vegnaduzzo ont pourtant décidé de laisser leur première vie de côté pour ouvrir une librairie franco-britannique dans l’est de Londres, qui vient tout juste de souffler sa première bougie. Caravansérail se veut être à l’image des deux cousines : un lieu audacieux, moderne et multiculturel.
D’un côté, Anne Vegnaduzzo. La jeune femme habitait Vancouver, où elle avait monté une agence d’artistes. “Avant cela, j’ai travaillé à Paris au service presse de Pierre Cardin sur toute la partie mode et théâtre”. De l’autre, Laura Cleary, ancienne attachée économique à l’ambassade de France à Beyrouth. “Une belle expérience de cinq ans, j’ai adoré le pays que je connaissais pas avant d’y débuter ma carrière en diplomatie économique”. Mais au bout de cinq ans et pour des raisons personnelles, cette dernière débarque à Londres en août 2015.
Pas question pourtant de continuer dans une carrière dans la haute fonction publique. Laura Cleary profite de cette nouvelle vie pour concrétiser quelque chose qu’elle a en tête depuis quelque temps déjà : ouvrir une librairie française dans la capitale anglaise. “Je crois que ma motivation était avant tout de trouver une certaine indépendance dans mon travail”. Avant de se lancer dans cette nouvelle aventure professionnelle, et parce qu’elle veut faire les choses sérieusement, la Française prend le temps de se former. “J’ai travaillé pendant un an et demi sur le projet, j’ai réalisé un business plan, j’ai fait des listes de livres qui m’intéressaient, je suis allée voir des éditeurs en France, j’ai fait des salons à Paris, Londres et Francfort. J’ai tout appris sur le tas”.
Elle contacte aussi sa cousine, Anne Vegnaduzzo, avec qui elle a toujours entretenu des liens forts, pour lui demander son aide sur le projet. Il faut dire que sa cousine, toujours à la tête de son agence artistique, a un bon carnet d’adresses. “On ne se voyait pas souvent, moi j’habitais Paris et Laura en Auvergne, mais on se croisait durant les fêtes de famille. Ce qui ne nous empêchait pas d’avoir des liens forts depuis petites et que je lui ai tout de suite fait confiance quand elle m’a parlé de son idée”, avance Anne Vegnaduzzo. Tellement emballée, la jeune femme décide même de quitter le Canada et de rejoindre sa cousine en novembre 2016 dans cette aventure.
Il faudra tout de même quelques mois pour concrétiser l’idée, le plus compliqué ayant été de trouver le lieu idéal pour ouvrir cette librairie. Ce sera chose faite en janvier 2017, sur Cheshire Street à deux pas du quartier branché, culturel et familial de Londres, Shoreditch. “Tout s’est ensuite accéléré, le 2 février on signait le bail, le 14 on avait les clés”, se souvient Laura Cleary. Après quelques semaines de travaux, Caravansérail ouvre enfin ses portes le 23 juin 2017.
Plus qu’une librairie, les deux jeunes femmes ont voulu faire de cet endroit “un lieu d’expériences culturelles à part entière, c’est d’ailleurs pour cela qu’on a choisi le nom de Caravansérail”. En effet, en Orient, ce terme signifie “abri pour les voyageurs”. Outre les rayons de livres français et britanniques (romans classiques ou graphiques, livres jeunesse), l’espace a été pensé pour organiser des expositions, des rencontres avec les auteurs et des événements musicaux. “Tisser du lien social est essentiel pour nous. C’est pour cela que l’on ne veut pas s’enfermer dans une seule chose. On est à la fois un lieu pour les enfants, pour les familles, pour les amoureux de la lecture, mais aussi les amateurs d’art ou de musique, ou encore les curieux qui veulent échanger avec un auteur”, résument les deux cousines.
Un an après l’ouverture de Caravansérail, Anne et Laura ont encore plein de projets pour faire évoluer le lieu. “On ne va quand même pas se reposer au bout d’un an !”, plaisantent-elles. Leur boutique en ligne sera lancée en septembre, “on va aussi mettre en place des “book clubs”, l’idée étant de proposer aux gens de s’abonner à la librairie et ainsi recevoir tous les mois un livre surprise, tiré de la littérature francophone contemporaine. On veut toucher tout le monde y compris ceux qui apprennent le français. Ce ne sera donc pas de la littérature ardue, mais elle ne sera pas trop simple non plus”.
Les rendez-vous installés sur la première année continueront comme le Spoken Words (tous les premiers mardis du mois), le vernissage d’une exposition (tous les premiers jeudis du mois) en collaboration avec la Whitechapel Gallery, “The art of translation” (le deuxième mercredi du mois pour donner la parole aux traducteurs d’ouvrages) et Victor the story sailor (conteur pour enfants présent le premier dimanche de chaque mois). “On va aussi continuer les concerts artistiques, les interventions théâtrales, les rencontres avec les auteurs. Notre objectif : étendre notre communauté”.