Les dernières déclarations de la nouvelle ministre de l’Intérieur, Priti Patel en poste depuis moins d’un mois, donnent le ton de la gouvernance Johnson. Des sources du Home Office ont en effet confié à plusieurs médias britanniques la volonté du gouvernement de mettre fin, en cas de no-deal, à la libre circulation des citoyens européens au lendemain du 31 octobre.
Aussitôt, des organisations représentant les intérêts des Européens installés sur le sol britannique sont montés au créneau. Le fondateur du groupe The 3 Million, Nicolas Hatton, a ainsi déploré l’imprudence d’une telle politique en l’absence de système opérationnel, pointant du doigt au passage “un effet d’annonce, qui aura un impact sur la vie des citoyens”. En effet, la principale crainte du mouvement réside dans le caractère potentiellement discriminatoire et brutal de la mesure. Qu’adviendra-t-il, par exemple, des centaines de milliers d’Européens expatriés outre-Manche et n’ayant pas encore obtenu leur settled status ?
Selon Colin Faragher, expert en droit constitutionnel et migratoire au sein du cabinet HighFin Limited, une seule chose est sûre : seuls ceux ayant préalablement obtenu ce settled status (ou pre-settled status) pourront librement entrer et sortir du Royaume-Uni au lendemain de la sortie du bloc. A ce jour, seuls 36.500 Français ont fait leur demande auprès du gouvernement britannique, loin derrière les Polonais, Roumains et Italiens, qui occupent le podium. Les ressortissants européens ont jusqu’au 30 juin 2021 pour demander leur settled status en cas de sortie avec accord, mais seulement jusqu’au 31 décembre 2020 en cas de no-deal. Les choses pourraient cependant changer.
Dans les autres cas de figure, tout reste à écrire et… à voter car, rappelons-le, la volonté politique du gouvernement britannique reste subordonnée au suffrage parlementaire, qui pour l’heure est, selon l’avocat, à majorité non-Brexiter. “Franchement, personne ne sait ce qui va arriver après le 31 octobre, ni le Parlement ni le gouvernement, mais tout le monde se prépare” à une sortie sans accord.
Par ailleurs, Colin Faragher insiste sur le devenir du droit européen, dont une partie est appelée à servir de socle législatif au lendemain du Brexit. “L’acte de retrait signé en 2018 prévoit qu’au moment de la sortie du pays tous les traités européens cesseront de s’appliquer à l’exception de certaines catégories de lois, qui, elles, resteront intégrées dans le droit britannique et ce, dans le but de garantir des droits aux citoyens (européens, ndlr)“. Autrement dit, ce ne sera pas si simple pour le gouvernement de Boris Johnson de mettre de fin à la libre circulation des personnes en cas de hard-Brexit.