“On est au bout du rouleau et même au bord de l’explosion”, s’exaspère Erick Bais. Cela fait près de deux jours que ce chauffeur routier français, qui travaille pour un transporteur belge, est coincé sur l’autoroute qui mène au port de Douvres en Angleterre. “Sur la voie de droite, ils ont mis tous les camions qui doivent prendre l’Eurotunnel et sur la gauche tous ceux qui prennent le bateau”, décrit-il. Au milieu, la double voie sert à la police et aux pompiers qui effectuent des contrôles 24 heures sur 24. “Je ne dors pas depuis deux jours maintenant à cause du bruit des voitures qui vont dans l’autre sens de la route et roulent à vive allure, des coups de klaxons des chauffeurs en colère ou encore des coups sur les portes à 4 heures du matin des policiers pour nous demander d’avancer”.
Le pire, confie Erick Bais, c’est qu’il n’y a un toilette tous les deux kilomètres mis à disposition des centaines de chauffeurs coincés comme lui. “Et quand on y va, c’est tellement sale qu’on ne préfère même pas les utiliser”. Il y a le manque d’hygiène certes, mais aussi de nourriture. “Lundi on n’a rien eu. Mardi soir on nous a donné une bouteille d’eau, un plat cuisiné et des chips. Aujourd’hui du pain de mie, du fromage et à nouveau des chips mais pas d’eau”, poursuit le Français. “On a l’impression d’être pris en otage car on n’a même pas le droit de sortir de notre camion. En plus, on ne nous donne aucune information. Tout ça est inhumain, même des animaux ne seraient pas traités comme ça”.
Les tests Covid devaient arriver mercredi matin pour commencer à faire circuler les camions, mais la livraison a été coincée dans les bouchons. “J’espérais rentrer chez moi pour Noël mais je n’y crois plus”, se désole le chauffeur, qui habite Calais, “même si on arrive à être testé, cela va mettre des heures pour réguler les flux et demain soir (le 24, ndlr) le port sera fermé à minuit”. Erick Bais en veut au gouvernement français d’avoir pris la décision “dans le vif, sans réfléchir” de fermer les frontières.
S’il avait su en acceptant malgré tout une livraison urgente pour un client à Brighton lundi 21 décembre au matin, soit au lendemain des nouvelles restrictions, qu’il serait coincé sur la route, le routier aurait fait valoir, comme d’autres de ses collègues, son droit de retrait. “Je pensais qu’au pire je serais rentré mardi, mais là ça fait presque 48 heures”, lâche-t-il, “la boule à la gorge”. Erick Bais aurait souhaité que la France prenne des dispositions pour “rapatrier” ses ressortissants en autorisant les tests une fois à Calais.
Le chauffeur se dit inquiet pour la suite mais redoute aussi les agressions de ses homologues européens, notamment des pays de l’Est, très remontés. “Ils pensent que c’est la France qui est responsable de ce chaos”. Pour éviter d’éventuels “sabotages de véhicule”, il a prétendu être belge, son camion étant immatriculé en Belgique. “Je partage leur avis quand ils disent que c’est une punition de la France pour le Brexit, espérant que le gouvernement britannique va lâcher du lest dans les négociations. Elle croit ainsi lui donner un avant-goût de ce qui va se passer après le 1er janvier”. Quoiqu’il en soit, Erick Bais n’a d’autre choix que de continuer à attendre pour enfin passer son test, qui lui donnera le droit de retrouver les siens.