C’est dans le salon d’une de ses amies de Londres que Louis Sarkozy reçoit French Morning London. Le fils de l’ancien président de la République a délaissé le temps de quelques jours Washington, où il vit avec sa femme, pour la capitale anglaise. S’il a traversé l’Atlantique, ce n’est pas (seulement) pour découvrir les charmes de Londres, mais parce qu’il est en pleine promotion de son livre, “Napoleon’s Library”, qui sortira le 30 mai prochain au Royaume-Uni aux éditions Pen and Sword.
Assis sur le canapé, Louis Sarkozy répond en toute décontraction. Il se dit heureux de pouvoir parler de l’ouvrage qu’il a mis un an à écrire. Mais avant de se plonger dans l’histoire qu’il y raconte, il est important de revenir à la genèse de sa passion pour l’ancien empereur. C’est à 17 ans qu’il s’intéresse à ce personnage illustre de l’Histoire de France. “J’ai lu la biographie d’Andrew Roberts (qui a préfacé d’ailleurs son livre, ndlr),“Napoleon : A life” et j’ai pris une claque“.
Ce qui le fascine c’est que Napoléon, qui venait d’une noblesse “moyenne”, traînait un accent insupportable et parlait mal le français, parviendra à marquer de manière indélébile l’Histoire. “Sa présence sur la scène politique et militaire va exploser grâce à la Révolution française. Il va avaler l’Europe, réformer la France. Il gagnera tout, avant que n’arrive sa chute, fulgurante”, rappelle-t-il avec intensité. Car c’est une vraie passion que le jeune homme cultive pour ce personnage tout autant historique que romanesque, dont le parcours mêle “romantisme, tragédie grecque, horreur, gore”, avec en filigrane la naissance de personnages secondaires qui prendront toute leur importance : Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, Joseph Fouché, Joachim Murat. “Napoléon, c’est un roman à lui tout seul, il a inspiré courage et bravoure même à ses ennemis”. De quoi contribuer à la construction de sa légende, qui a réussi à traverser les siècles, lance le jeune auteur de 26 ans. “C’est une figure reconnaissable dans le monde entier”, un fait unique en son genre, estime Louis Sarkozy.
Adolescent, il trouve ainsi en l’ancien empereur une figure héroïque qui l’inspire.“Ma femme explique souvent aux gens que j’ai des phases obsessionnelles sur certains sujets. Mais celle sur Napoléon ne s’est jamais arrêtée”, rit-il, avant de se justifier, “il y a tellement à découvrir”. Il dévore tous les livres qu’il peut trouver sur l’homme, le militaire, le dirigeant politique. Il rencontre aussi d’autres passionnés. Jusqu’au jour où il décide d’écrire un livre, son livre. Mais comment choisir l’angle sous lequel expliquer, analyser, raconter ce personnage, quand tout paraît avoir déjà été écrit ? Un choix naturel s’impose, celui de la littérature, les deux hommes partageant une grande passion pour la lecture. C’est le père de Louis Sarkozy qui lui a appris à lire, se souvient le jeune homme. “Il m’a surtout appris l’importance de la lecture, sans quoi tout serait vide”, explique-t-il.
Pour écrire son livre, le jeune auteur s’est alors plongé pendant de longs mois dans la lecture des archives de la Bibliothèque Nationale de France (BNF) et de la Fondation Napoléon, découvrant que l’ancien empereur possédait une collection de 500 à 600 000 ouvrages. “Il lisait de tout, de la botanique à la religion en passant par l’histoire, mais aussi des romans ‘à l’eau de rose’. Il s’organisait pour recevoir tous les livres publiés en Europe, en version originale comme en français. Il avait cette ambition de se créer aussi un empire littéraire”. Sa passion de la lecture remonte, raconte Louis Sarkozy, à l’époque où il était officier à Valence. “Il avait une soif d’acquérir du savoir, c’était obsessionnel”. Quand il est en exil sur l’île d’Elbe, sa plus grande torture sera de ne pas pouvoir accéder à autant d’ouvrages qu’il l’aurait souhaité. “Il n’y avait que 1,800 volumes dans sa bibliothèque alors qu’il en aurait eu besoin de 60,000”.
Celle de Louis Sarkozy compte aujourd’hui 1,500 livres, dont de nombreux de Victor Hugo qu’il affectionne tout particulièrement. “Parmi tout ce que je possède, il y en a beaucoup que je relis, comme “Lettre à un jeune rebelle” de Christopher Hitchens. Ce livre est une vraie lettre d’amour à ceux qui ont l’envie innée d’aller contre la foule. Je pense que ce sera le premier ouvrage que je donnerai à mon enfant”. Alors qu’il va intégrer très prochainement l’armée américaine en tant qu’officier, Louis Sarkozy dévore actuellement les ouvrages sur l’histoire militaire des Etats-Unis. Il aime aussi les livres sur la diplomatie et s’est beaucoup nourri de ceux de l’ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud. “J’aime bien aussi la poésie”, conclut-il sur ses préférences littéraires.
Pour en revenir sur son livre consacré à Napoléon, il l’a imaginé comme une grande enquête.“Je ne voulais pas faire quelque chose d’académique, je voulais quelque chose d’accessible au plus grand nombre”, confie Louis Sarkozy. Il a ainsi souhaité montrer comment l’homme militaire était aussi un homme de lettres, épris d’une grande curiosité. Son ouvrage sera publié en anglais, mais devrait être traduit en français. Il confie qu’il n’a aucune appréhension sur comment son livre pourrait être reçu au Royaume-Uni, le pays entretenant une histoire à la fois forte et conflictuelle avec Napoléon. “Il existe une audience britannique napoléonienne surdimensionnée”, assure-t-il. Il prend pour exemple un ouvrage – de 400 pages ! – écrit sur la passion de l’ancien empereur français pour la botanique et le jardinage. “Un succès au Royaume-Uni”, explique-t-il, avant d’ajouter, “après la France, les plus fervents napoléoniens se trouvent ici”. D’ailleurs, quand il a visité le Parlement britannique lors de son séjour, il a pu constater que deux tableaux ornant les murs près de la salle des Lords représentaient les batailles de Trafalgar et de Waterloo.
D’ailleurs, vivre au Royaume-Uni, cela le tenterait-il un jour ? “J’aime davantage la France que Paris, j’aime davantage la ruralité américaine que New York ou Los Angeles. Alors j’aimerais davantage vivre en campagne anglaise qu’à Londres”, précise Louis Sarkozy. Les paysages verts, l’héritage gaélique et les peuples montagnards de l’Ecosse ou même de l’Irlande lui conviendraient davantage, corrige-t-il. Mais c’est dans la banlieue de Washington qu’il vit aujourd’hui avec sa femme. Les Etats-Unis, c’est autant son pays que la France. Impossible pour lui de choisir entre les deux. Ce qu’il apprécie de l’autre côté de l’Atlantique, c’est le patriotisme assumé des Américains. “Ce n’est pas un crime d’aimer son pays et son histoire. Depuis le début de l’humanité, nous vivons en groupe. Sauf que depuis 20 ans, on nous dit qu’on ne peut plus aimer son groupe. Moi, j’aime mes deux pays, mes deux cultures sont fascinantes. Et puis, on a besoin de repères communs, et surtout de héros”.
Le jeune homme regrette que certains tentent de remettre en cause l’héritage autant politique que social de Napoléon. “Ce n’était pas un raciste, il était même plutôt vu comme un progressiste. Simplement, le code de moralité de son époque n’est pas celui d’aujourd’hui”. Certes, reconnaît Louis Sarkozy, l’empereur a rétabli l’esclavage, a interdit les mariages mixtes, n’aimait pas les femmes trop intellectuelles….“Mais il a aussi ensuite aboli de nouveau l’esclavage, il avait une vraie admiration pour l’islam et Mahomet, il a fermé les ghettos pour juifs en Italie”. Il le répète : toutes les cultures ont le droit d’avoir leurs héros.“Ce n’est pas bon de toujours prendre une loupe pour scruter le moindre détail. Si le travail universitaire sur l’Histoire est important, il l’est tout autant de maintenir une cohésion nationale autour de personnages héroïques, qu’on doit honorer”.
Et son futur, comment le voit-il ? Comme son père, son autre héros, qu’il compare un peu à Napoléon, estimant qu’ils partagent des traits de caractère communs d’hommes “d’action et de réalisation” ? “L’heure n’est pas encore à la politique”, répond-t-il sincèrement, même s’il reconnaît la chose “tentante et inspirante”. S’il assure que Nicolas Sarkozy ne lui met aucune pression, il dit se la mettre lui-même, surtout quand il se compare à son père. “Quand on a un modèle comme lui, on n’a pas d’excuse”, confie-t-il avec beaucoup d’admiration dans ses paroles. Quant à savoir s’il ferait une carrière politique en France ou aux Etats-Unis, le jeune homme de 26 ans ne se “ferme aucune porte”.