Le régime matrimonial choisi par les époux mariés en France et expatriés au Royaume-Uni ne s’appliquera pas nécessairement lors d’un divorce.
A dater de leur mariage, les époux mariés en France sont soumis à un régime matrimonial : communauté réduite aux acquêts (régime légal en cas d’absence de contrat de mariage), communauté universelle, séparation de biens, participation aux acquêts. Le régime matrimonial déterminera la répartition des biens en cas de divorce.
Cependant, si le divorce est instruit au Royaume-Uni, le juge britannique n’a aucunement l’obligation d’appliquer le régime matrimonial choisi. Tout d’abord, parce qu’en « droit anglais, il n’y a pas d’application automatique de droit étranger », comme l’explique William Healing, avocat associé chez Alexiou Fisher Philipps à Londres. Ensuite, parce qu’au Royaume-Uni, pays de droit commun (common law) où la jurisprudence est la principale source du droit, « le juge est souverain et garde son pouvoir discrétionnaire ». Contrairement aux pays de droit civil (civil law) comme la France où la justice dérive d’un droit codifié.
En pratique, le juge britannique va diviser en deux parts égales le patrimoine et les biens du couple. Il pourra ensuite faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour éventuellement accorder plus à un époux qu’à l’autre, afin d’assurer une répartition équitable, un principe absolu.
Par exemple, un couple marié sous contrat de séparation de biens s’est expatrié au Royaume-Uni depuis plusieurs années. Madame est le conjoint suiveur et sa carrière professionnelle en a pâti tandis que celle de monsieur a décollé. Non seulement le contrat de séparation de biens n’aura aucune valeur, mais le juge pourra aussi accorder à l’épouse une part plus importante du patrimoine du couple, au nom de ce principe d’équité, en tenant compte de la retraite, des revenus actuels, de la capacité d’épargne de chacun. « En termes de divorce et de liquidation du régime matrimonial, le principe de base n’est pas ce qui a été conclu par contrat il y a 10-15-20 ans, mais ce qu’il est juste de faire », résume Bérangère Kola-Sautai, de LBK French Law.
Quid du prenup anglais (ou postnup, après mariage), document qui orchestre un divorce ? Compte-tenu de son coût, un prenup sera surtout utile aux couples à la tête d’un certain patrimoine actuel ou à venir (£100,000 et plus, peu importe sa localisation) et qui envisagent de passer un certain temps au Royaume-Uni.
Il est possible de conclure un nuptial agreement alors qu’on a déjà un contrat de mariage français, mais « il est conseillé de ne pas garder les deux, car ils peuvent se contredire », prévient William Healing. Le prenup doit respecter la règle des besoins minimums, avoir été rédigé au moins 28 jours avant le mariage, chacun des époux ayant bénéficié des conseils de son propre avocat. Un document cependant toujours soumis au pouvoir discrétionnaire du juge anglais.
Dans les grandes lignes, c’est surtout le plus fortuné des deux qui a intérêt à signer un prenup, pour protéger ses biens. A condition, pour le voir s’appliquer, de respecter les besoins minimums de l’autre partie. « Je conseille à mes clients financièrement puissants d’offrir quelque chose de plus généreux que le minimum, pour se garantir l’effet du prenup », détaille William Healing.
Une échappatoire (réservée aux couples de Français) à l’insécurité juridique dérivée du pouvoir discrétionnaire du juge anglais ? Attention aux effets de la Convention de la Haye, sur les couples mariés entre le 01/09/1992 et le 29/01/2019. « Sans contrat de mariage et au-delà de 10 années d’expatriation, il y a une mutabilité du régime matrimonial pour le droit de la résidence habituelle », avertit Bérangère Kola-Sautai. « Dix ans après le déménagement en Angleterre, on passe automatiquement à un régime anglais transcrit en France en séparation de biens ».
Crédit photo de Une : Mathieu Stern