Chaque année, le 25 janvier, l’Écosse – et les amoureux de l’Écosse ailleurs au Royaume-Uni et dans le monde – célèbre la Burns Night, au cours de laquelle sont souvent partagés quelques Burns suppers. Mais de quoi s’agit-il et à quoi ou à qui, précisément, est-il fait référence ?
Si le 30 novembre ou le St Andrew’s Day correspond à la fête nationale écossaise, le 25 janvier demeure une date très importante car il rend hommage à Robert Burns, poète et parolier écossais du 18ème siècle qui constitue une figure emblématique au nord du Royaume-Uni.
« Le 25 janvier correspond au jour de naissance de Robert Burns et est ici jour de célébration… probablement plus que la St Andrews ! », indique Caroline Smith du Robert Burns Birthplace Museum. Situé à Alloway, à l’ouest de l’Écosse, à un peu plus d’une heure au sud de Glasgow et géré par le National Trust for Scotland, l’humble cottage – qui accueille aujourd’hui un musée – a vu naître et grandir (Robert Burns est né en 1759 et y a passé les premières années de sa vie) celui que l’on désigne aussi sous le titre de Scotland’s National Bard. « A sa mort, il y a eu une procession de plus de 10,000 personnes à Dumfries », qui se situe un peu plus au sud et reste la dernière demeure du poète.
Mais pourquoi une telle popularité ? Mort à seulement 37 ans, d’un problème cardiaque, Robert Burns aura mis en forme plusieurs centaines de poèmes et de chansons… rendant, entre autres (il est notamment aussi beaucoup question d’amour, le poète a eu des histoires avec un certain nombre de femmes), hommage aux paysages, à la nature, aux traditions et au folklore de l’Écosse.
D’après Caroline Smith, l’une des raisons pour laquelle l’auteur est aussi connu est le recours qu’il a eu au scots (langue germanique, voisine de l’anglais, traditionnelle de cette partie du Royaume-Uni). « Il a écrit à un moment où beaucoup d’Écossais se sentaient en perte d’identité et l’usage du scots a été significatif dans la préservation de l’héritage culturel local. »
En outre, poursuit-elle, « après sa mort, son travail a résonné avec le mouvement romantique en littérature, au niveau duquel l’Écosse était à l’avant-garde justement avec des écrivains comme Robert Burns et Walter Scott. C’est la raison pour laquelle des auteurs comme Keats et Wordsworth se sont rendus au Burns Cottage ».
Pour ce qui est des œuvres les plus célèbres de Robert Burns, la plus connue est sans nul doute la chanson Auld lang syne (old long since, en anglais), assez familière des Français puisqu’à l’origine du populaire Ce n’est qu’un au revoir. En Écosse, cette mélodie notamment sur « le souvenir des amitiés passées » se chante souvent au passage de la nouvelle année. Il y a également le poème Tam o’ Shanter – sur les mésaventures surnaturelles d’un homme ayant passé un peu trop de temps au pub – et qui est aussi le nom donné au traditionnel bonnet en tartan des Écossais. Ou encore le poème To a Mouse, les chansons Ae Fond Kiss et A Red, Red Rose…
L’auteur est aussi connu pour ses positions progressistes (*). Lui-même issu d’un mileu modeste (fils de paysans, il avait à l’origine peu d’argent), il s’est montré sensible aux questions d’égalité et de liberté (la chanson A man is man for a’ that, qui dénonce l’injustice sociale, est un célèbre exemple). « Robert Burns a été influencé par les deux révolutions – française et américaine – et a sympathisé avec des révolutionnaires de ces deux pays, indique Caroline Smith. C’était un penseur radical et il y a une part de politique dans ses écrits. Il a écrit sur la politique ainsi que sur l’Église. »
L’homme a accédé à la notoriété de son vivant. A 27 ans, avec la publication de son premier recueil Poems, chiefly in the Scottish dialect, qui lui a donc valu du succès. « Il a été proclamé ‘barde de Calédonie’ (l’ancien nom de l’Écosse) en 1787 par les francs-maçons à Édimbourg. » Ce qui ne l’a toutefois pas empêché de devoir poursuivre d’autres activités. « Il a gagné de l’argent grâce à la publication de l’édition Kilmarnock (1786) mais a dû continuer à travailler. Il a été agriculteur et les six dernières années de sa vie, il a été employé comme collecteur d’impôts. Peu avant son décès, il demandait à son cousin de l’aider à rembourser un emprunt. Il n’était pas riche à sa mort. »
Le 25 janvier n’est pas férié en Écosse. Mais ça et là, restaurants, pubs, associations culturelles organisent des Burns suppers des soirées où l’on vient en groupe (parfois la chose se fait aussi chez soi) boire (du whisky) et manger (des mets écossais) en hommage au poète et à la culture écossaise. Des petites notes de cornemuse peuvent être amenées à résonner tout comme un certain nombre de poèmes du prestigieux auteur… En particulier le populaire Address to a Haggis (forme de pudding traditionnel à la viande, flocons d’avoine, épices et oignons autrefois, surtout, cuit dans la panse d’un mouton). « Chacun célèbre les choses à sa manière, sourit Caroline Smith, mais une chose est sûre, il y a toujours du haggis au menu ! »
(*) Il a néanmoins failli superviser une plantation où il y avait des esclaves en Jamaïque avant de se raviser.